vendredi 11 mars 2011

Association libre


La libre association est une des règles fondamentales de la psychanalyse qui, posée dès le début de la relation analytique, va donner à celle-ci son intention de libre communication. La mise au point de cette méthode permis à Sigmund Freud d’abandonner la technique de l’hypnose*.
La libre association invite le sujet à dire spontanément tout ce qui lui vient à l’esprit sans aucune autocensure, sans retenue, sans honte ni préjugé. Le patient doit oser verbaliser toutes ses idées et émotions sans exception, quand bien même et surtout si elles lui apparaissent repoussantes, inintéressantes, voire culpabilisantes. Les pensées ainsi associées et verbalisées constituent l’essentiel du matériel de travail durant les séances psychanalytiques. L’absence de concentration dont fera preuve l’individu permettra un abaissement des résistances. Freud a exploité cette technique pour la première fois avec ses patientes hystériques qui lui ont indiqué clairement  cette voie en 1895.
Le choix des associations, le fait qu’elles apparaissent à la conscience, est un processus défensif propre à chaque individu, il est donc lourd de significations et de symboles, d’éléments inconscients et de résistances utiles au thérapeute.
Partant du principe que, dans le cadre analytique, la pensée de l’individu conduit vers ce qui est représentatif du refoulé, la libre association devient une chaîne significative d’éléments qui laisse percevoir à l’analyste la nature de la demande du sujet. En effet, malgré une apparente incohérence, les associations effectuées ne sont pas le fruit du hasard, elles expriment de façon plus ou moins allusive (selon l’intensité de la résistance* mise en place), la nature du refoulé* et permettent aux défenses inconscientes de se dévoiler.
Comme pour le rêve, plusieurs chaînes de contextes différents peuvent apparaître dans le discours associatif de l’individu, elles forment alors un complexe* et les endroits où elles se recoupent sont des points nodaux.

Expression utilisée en psychanalyse pour désigner l'objet de la règle fondamentale, laquelle consiste pour le patient à exprimer toutes les pensées (idées ; images ; Einfall, dit Freud, « ce qui tombe » dans l'esprit) sans discrimination aucune et de manière spontanée. L'école de Zurich et Jung utilisèrent des « mots inducteurs » (images, idées, nombres, etc.), qu'ils proposaient aux malades. Par une telle règle, on tend à éliminer les choix volontaires des pensées (c'est-à-dire la censure, dite seconde, entre le conscient et le préconscient) ; ainsi se révèlent des défenses inconscientes, soumises à la première censure, entre le préconscient et l'inconscient. Dans la mesure où cette règle est en quelque sorte inapplicable dans toute sa rigueur (la pensée allant plus vite que sa traduction dans le langage, mais surtout en raison des réticences acceptées ou incon […]

La libre association d’idées est la base de tout travail psychanalytique. Pendant les séances, le patient évoque tous les mots, les événements, les expressions, les personnes qui lui viennent à l’esprit. Dans cette perspective, cette « libre expression » permet au patient de faire le point, lui même, sur les origines de son mal être. La libre association d’idées est une invitation au voyage dans son inconscient. Le psychanalyste n’intervient que très rarement pendant la séance.
Dans la psychanalyse on peut considérer trois engrenages, comme des mouvements enchevêtrés qui eux mêmes auraient des ramifications:
  • la métapsychologie (dont les trois principes organisent le fonctionnement psychique : la perspective topique, dynamique, économique)
  • La recherche de significations inconscientes de la parole, du comportement ou des productions de l'imagination (lapsus...)
  • La cure psychanalytique par la méthode de la libre association. En général, elle est effectuée à la demande du patient qui souhaite s'aventurer dans son inconscient et se découvrir pour mieux se comprendre et se connaître ou se reconnaître. Aussi, l'approche est souvent pour soigner les petites ou grandes névroses qui résonnent au quotidien et qui gène le devenir gracieux. C'est pourquoi Freud, insistait sur le fait que si la psychanalyse est "une méthode de traitement des désordres névrotiques", son primordial but n'est pas de guérir en éradiquant le symptôme, mais bel et bien en aboutissant à « la récupération de ses facultés d'agir et de jouir de l'existence». C'est à partir de là, qu'il n'est plus possible de comparer la psychanalyse à toute autre thérapie visant à soigner un malade, la psychanalyse ne soigne pas les psychoses, elles visent à découvrir ses névroses et à les transformer en autre chose de positif.


Les différents courants psychanalytiques et les différentes théories se rejoignent pour mieux se compléter. Elles apportent aujourd'hui à l'étude comportementale et à la psychologie clinique un atout majeur dans l'approfondissement de la vie mentale des patients. Elles ont permis d'envisager le symptôme sans l'isoler, mais bel et bien en fonction de l'histoire passée, des accidents de parcours du patient, tout en prenant en considération leur potentiel renouvellement et leur possibilité de formuler des désirs refoulés.

Deux méthodes sont utilisées à l'époque :

La méthode cathartique, qui doit beaucoup à Joseph Breuer, et qui consiste à mettre le patient sous hypnose afin de découvrir l'origine des symptômes hystériques. Symptômes qui semblent - ils, doivent disparaitre lorsqu'on répète au malade une fois réveillé ce qu'il a révélé sous hypnose. La remémoration et la ré-actualisation émotionnelle des scènes traumatiques conduisent alors à la guérison. C'est cette méthode qu'Anna O. appelait aussi « talking cure ».

l'association libre, qui vise à favoriser la remémoration en invitant le patient à dire librement ce qui lui vient à l'esprit, et en travaillant sur les chaînes associatives. Ceci permet de mieux comprendre les diverses appréciations de Freud lui-même quant à la naissance de la psychanalyse :
Freud se démarqua de Breuer, en acceptant l'importance de la dynamique sexuelle dans le développement de la psychopathologie. L'hystérie est alors conçue comme conséquence d'un trauma sexuel. Cette approche permis ensuite de comprendre la névrose obsessionnelle, ainsi que la phobie, également nommée hystérie d'angoisse. Carl Gustav Jung, entre autres fait évoluer Freud car, il accepte des points de vue qu'il intègre ensuite dans le corps de sa théorie comme, par exemple, le passage de la première topique à la seconde topique qui fait davantage de place aux pulsions agressives et de mort. Ainsi, plus particulièrement vers 1920, la théorie freudienne connaît d'importants remaniements, qui sans dénoncer comme erronée la théorie antérieure, en montrent à la fois les limites et en proposent un élargissement considérable.

Metapsychologie, pourquoi ce nom ?

Freud ne trouvant pas d'explication satisfaisante aux troubles psychologiques sans lésions anatomo-physiologiques, se tournera vers une conception proprement psychologique de ces phénomènes psychopathologiques. C'est la raison pour laquelle Freud nommera son approche «métapsychologie » pour bien marquer la différence aussi bien avec la conception spiritualiste et philosophique de la psychologie de son temps, qu'avec la psychologie caractérologique et psychophysiologique qui s'appuyait sur des mesures de temps de réaction, par exemple, et les réflexes.
La psychanalyse n'est pas qu'un ensemble théorique, une métapsychologie, c'est également une méthode d'exploration du psychisme humain.
- L'interprétation des rêves qui sont, selon Freud, « la voie royale à la connaissance de l'inconscient ». L'analyse du rêve permet de découvrir les mécanismes de symbolisation du psychisme.

- L'analyse des actes du quotidien

- Les lapsus, les oublis, les négligences : ces actes manqués traduisent un conflit psychique qui met en jeu une tendance consciente et une autre, pré-consciente ou inconsciente, qui vient troubler le déroulement normal de la première. L'observation de ces tendances contradictoires permet de rendre vraisemblable l'hypothèse de l'inconscient

Une dernière grande ligne:
Principe du déterminisme psychique
L'hypnose qu'utilisaient Joseph Breuer et Jean-Martin Charcot est une méthode qui ne put satisfaire Freud qu'un temps, ne convenant pas à tous les patients et n'allant pas de pair avec un travail au long terme sur le transfert. Pour la remplacer, Sigmund Freud utilisera un principe qu'il attribue à Jung, principe suivant lequel une idée qui se présente à l'esprit ne peut être arbitraire et doit donc avoir un antécédent déterminé. Dans les Cinq leçons sur la psychanalyse, il précise ainsi sa pensée :

« Vous remarquerez déjà que le psychanalyste se distingue par sa foi dans le déterminisme de la vie psychique. Celle-ci n'a, à ses yeux, rien d'arbitraire ni de fortuit ; il imagine une cause particulière là où, d'habitude, on n'a pas l'idée d'en supposer. »
 

Historique

La technique de l'association libre s'appuyait sur la découverte du transfert et de sa valeur de répétition quant à ce qui est soumis au refoulement. L'interprétation était conçue comme un moyen d'élargir les limites du conscient. La méthode a cherché son équivalent dans la rencontre avec l'enfant à partir de 1920.
S. Freud a démontré, à partir du fonctionnement névrotique adulte, la complexité du développement psychique de l'enfant. Ainsi la levée du refoulement s'avérait comme révélant du psychique jusque là inaccessible mais préservé. La sexualité infantile et les théories sexuelles infantiles qui découlent de cette découverte, dévoilent, avec les phases du développement libidinal humain, l'influence de la génitalité sur le développement psychique de l'enfant. Cette découverte représente aujourd'hui encore l'une des plus fortes raisons de résistance à la psychanalyse. S. Freud découvre que les liens aux premiers objets de dépendance jouent un rôle central. Les relations objectales, la réalisation hallucinatoire du désir, l'ambivalence des sentiments, le développement libidinal et ses phases : orale, anale, phallique et génitale, les identifications et la construction du Moi, de l'idéal du Moi et du Surmoi établissent l'identité du sujet au cur d'un triangle oedipien : père-mère-enfant, marqué par l'interdit de l'inceste et dont la conséquence est le complexe d'dipe. Celui-ci fonde universellement l'humain, sa pensée, ses cultures, ses religions et sa vie en société. En outre, chez l'humain et d'une manière qui lui est spécifique, la pression de la pulsion est constante cependant que le complexe oedipien évolue et se constitue en deux phases (biphasisme), séparées par une phase de latence. De celle-ci résulte une capacité à la sublimation. La plupart des évènements et tendances psychiques, antérieurs à la période de latence, sont frappés d'amnésie infantile. Pour Freud, le complexe d'dipe résulte de la longue dépendance infantile et de la période d'inhibition sexuelle que représente la phase de latence. La floraison sexuelle précoce succombe au refoulement. Les formations réactionnelles de la période de latence, physiologique, forment les bases de la morale, de la pudeur et du dégoût. En 1905, les Trois essais sur la théorie de la sexualité proposent d'un certain point de vue une méthodologie pour connaître le développement et l'organisation psychodynamique de l'enfant et de l'adolescent. En 1909, Freud écrit L'analyse d'une phobie chez un garçon de cinq ans (Le petit Hans). Même si nous ne pouvons considérer qu'il s'agit du récit d'une cure telle qu'elle serait pratiquée aujourd'hui, Freud confirme, ici chez l'enfant, ses vues sur le développement libidinal, l'importance du complexe de castration et du complexe d'dipe tels qu'il a appris à les considérer à partir de la cure psychanalytique des adultes névrosés. En 1920, dans Au-delà du principe de plaisir, S. Freud décrit l'importance de la recherche de plaisir par rapport au déplaisir dans le jeu d'un enfant. Ce Jeu de la bobine a pour fonction de corriger les angoisses de perte d'objet et d'assurer les tendances dépressives. La tendance à la répétition du refoulé et le désir de maîtrise sont les moteurs essentiels de l'activité ludique.
Les pionnières et initiatrices de la psychanalyse de l'enfant sont Hermine von Hug-Hellmuth et Anna Freud à Vienne, Melanie Klein à Budapest et Berlin et Eugénie Sokolnicka à Paris. La naissance de la psychanalyse des enfants se fera, dès 1922, dans une violente confrontation entre deux tendances, représentées bientôt par ce qu'on pourrait appeler « l'école d'Anna Freud » et « l'école de Melanie Klein. » Les termes les plus approfondis de ces débats s'épanouiront dans ce que l'on a nommé Les Controverses à Londres à partir de 1941.
On a pu sommairement opposer une psychanalyse de l'enfant qui se voulait une application des principes de la psychanalyse à l'environnement et à l'éducation de l'enfant, c'est la tendance d'Anna Freud, à ses débuts, et une psychanalyse d'enfant qui défend l'idée d'un transfert par l'enfant sur le psychanalyste, transfert qui est alors analysable, c'est la conviction de Melanie Klein et des analystes qui l'entourent.
Melanie Klein a mis au point la technique de la psychanalyse par le jeu. Elle défend d'emblée l'idée d'un transfert au sens complet du terme et analyse les aspects négatifs du transfert toujours présents dès le début de la cure et qu'il faut savoir reconnaître et interpréter pour abaisser le seuil d'angoisse. Ce fait suppose de considérer l'existence précoce d'un Surmoi sévère chez l'enfant.
Anna Freud concevra, comme elle le définira, « quelque chose entre une crèche et un jardin d'enfants » qui prodigue aux enfants les plus pauvres des soins physiques et psychologiques. C'est à partir de cette expérience qu'elle créera avec Dorothy Burlingham, en 1940, les Hampstead War Nurseries à Londres. Ces crèches de guerre s'enrichiront d'une fondation, The Hampstead Child Therapy Course and Clinic, où se pratique et s'enseigne la psychanalyse des enfants. Cette influence a enrichi la conception, au sein de l'institution, de la rencontre psychanalytique avec l'enfant. Anna Freud a apporté une contribution irremplaçable à la psychanalyse d'enfant par ses travaux sur le moi et ses mécanismes de défenses.
C'est au cours des Controverses que Melanie Klein décrira un concept particulièrement fécond pour la compréhension de la vie psychique et de la fonction analytique. Il s'agit d' un ensemble mécanisme-fantasme : l'identification projective. Avec le clivage, le déni et l'idéalisation, l'identification projective organise la base de la santé mentale. Corrélativement, leur pathologie peut laisser le sujet dans un état de fragmentation. L'intégration du Moi dépend donc des relations d'objet. Avec l'identification projective, ce n'est plus la pulsion seule qui est projetée dans l'objet mais bien des parties du self. Ce mécanisme-fantasme permet d'expulser une partie de soi que l'on ressent comme dangereuse ou en danger à l'intérieur de soi. Il est aussi à l'origine de la perception d'une avidité de l'objet dans lequel a été projeté l'avidité de l'enfant.
Wilfred Bion développera l'idée de l'identification projective comme mécanisme normal et comme une contribution centrale à la naissance de la capacité de penser dont le prototype est la capacité de rêverie de la mère et dont l'équivalent dans la cure analytique est l'attention flottante de l'analyste. Ainsi concevra-t-il que des affects très primitifs puissent trouver au sein de la séance le contenant qui permet la naissance de la pensée. Les fonctions de la psyché de l'analyste deviennent primordiales pour l'accession à la capacité de penser les états primitifs d'affects et d'excitations. Les champs des deux psychés sont réciproques et croisés à partir de l'identification projective normale. Le travail ne se situe plus seulement sur le refoulement (Freud) ou sur le clivage (Klein) mais sur l'appareil pour penser les pensées. L'idée de contenant prend là tout son sens. La pensée de W. Bion est primordiale pour la compréhension de la symbolisation, du contre-transfert, du langage interprétatif et de la pensée et ses troubles. On doit à W. Bion d'avoir souligné l'importance de la groupalité comme organisation venant s'opposer au développement oedipien de la vie psychique individuelle. La mentalité de groupe influence le moi. De même, à côté des pulsions d'amour et de haine, W. Bion développe l'idée selon laquelle la curiosité, le désir de connaître est une pulsion à part entière : la pulsion épistémophilique.
D. W. Winnicott, pédiatre et psychanalyste a travaillé toute sa vie avec les enfants. Ses travaux, issus de Melanie Klein s'en éloigneront et reconnaîtront la fonction de l'objet externe et l'influence de l'environnement primaire. Il insistera sur le « tenir » : le holding et le handling. Il développera la conception originale d'un espace de création, l'espace transitionnel, qui se situe comme intermédiaire dans le champ de la relation précoce et est à la base de la culture. La mère est le premier miroir de l'enfant et la représentation du vécu corporel de l'enfant passe par l'image du corps de la mère. La relation objectale la plus ancienne contient aussi la menace d'annihilation. La présence excessive ou empiètement double l'angoisse d'abandon liée à l'absence de l'angoisse d'intrusion, source de désorganisation. La capacité anticipatrice de la mère ne doit pas excéder les besoins de l'enfant sauf à éteindre son dynamisme propre. D.W. Winnicott a placé la haine nécessaire du côté d'un suffisamment bon chez la mère en élaborant la conception d'une haine qu'il placera aussi dans le fonctionnement psychique de l'analyste au travail en parlant d'une haine dans le contre transfert. D. W Winnicott dont les travaux ont inspiré fortement les recherches des psychanalystes, en particulier sur les états limites, concevra la relation précoce mère-bébé comme étant à l'origine d'une maladie normale, la préoccupation maternelle primaire. Pour D. W. Winnicott, le jeu deviendra le lieu de l'expérience de la réalité, l'espace où se déroulent les contacts, les transitions entre l'intérieur et l'extérieur. Le jeu est un exercice de création d'objets. Le symbole est dans la distance entre l'objet subjectif et l'objet qui est perdu objectivement.

Aspects pratiques

La capacité de jouer ou de dessiner de l'enfant, qui fournit ainsi un texte aussi analysable que les associations libres de l'adulte, vont permettre de préciser le cadre de la cure psychanalytique de l'enfant et celui des psychothérapies psychanalytiques adaptées en fonction des troubles.
Le jeu. En introduisant le jouet et le matériel du jeu avec l'enfant, M. Klein va à la rencontre des fantasmes sous-jacents comme s'il s'agissait d'un récit de rêve. Elle découvre ainsi que l'enfant est dans une activité constante de personnification et donc qu'on peut considérer son activité de jeu comme assimilable aux associations libres. Cette personnification ouvre au théatre du monde interne et à ses espaces complexes. Toute la vie psychique apparaît dominée par le jeu des fantasmes inconscients et les défenses qui y sont liées. L'analyste devient le lieu de projection des fantasmes inconscients les plus archaïques du patient. Le fantasme inconscient est l'expression psychique des pulsions. Rappelons que S. Morgenstern en France, dès 1937, et Rambert en Suisse, dès 1938, vont toutes deux utiliser le jeu pour écouter les enfants. Par la suite, en France, l'une de ces techniques de jeu prendra un essor considérable : il s'agit du psychodrame psychanalytique dont les conditions seront définies pour être adaptées aux enfants.
Le dessin. Avec le petit Hans qui dessine le fait-pipi de la girafe, nous avons la première expression psychanalytique par le dessin du questionnement psychique chez un enfant. Viendront ensuite les dessins de Richard dont Melanie Klein donne les interprétations dans La psychanalyse d'un enfant, puis le livre de D. W. Winnicott sur le Squiggle. Le dessin en séance d'analyse est l'expression du fantasme inconscient avec sa référence corporelle. L'extériorisation du monde intérieur de l'enfant qu'il traduit est aussi une projection dans le transfert. Le dessin peut être aussi utilisé comme un rêve qui permet que des associations libres s'expriment. A. Ferro insiste sur la conception du dessin comme photogramme onirique du fonctionnement mental du couple analytique à ce moment-là.
Cadre. L'aménagement de la thérapie psychanalytique d'un enfant se fait avec l'aide des parents. Pour autant, sans que les parents aient à être soumis à une extra-territorialité humiliante et frustrante, le secret est une règle qui s'applique tout autant en psychanalyse d'enfant qu'en psychanalyse d'adulte. A cette condition, il est possible de créer un espace où la règle de libre association adaptée à l'enfant se déploie. Le cadre est le support du transfert. Ce cadre nécessite une continuité pour permettre au processus psychanalytique de se développer. C'est à partir de cette conception du cadre comme enveloppe et du processus comme contenu que s'expriment les aspects négatifs du transfert si importants en psychanalyse de l'enfant. Le cadre est en effet le contenant de représentations excitantes pour le moi. Dans certains cas difficiles, des indications particulières sont possibles. Il s'agit autant des thérapies psychanalytiques mère-nourrisson que des thérapies familiales psychanalytiques qui requièrent des techniques propres.
L'analyste et la famille. Une particularité de l'analyse d'enfant réside dans le fait que l'analyste est l'interlocuteur d'un enfant et donc de ses parents. C'est une pression non négligeable pour l'analyste que l'attente des parents à son égard alors qu'il est l'analyste de l'enfant. Cette pression concerne tout autant des attentes conscientes - exigences de résultats éducatifs ou scolaires - qu'inconscientes en ce que l'analyste devient un objet de transfert pour les parents eux-mêmes dans leur part infantile. L'analyste d'enfant doit s'attendre à représenter une figure parentale pour les parents de l'enfant dont il assure la cure. Ceci n'est pas une donnée mineure pour le contre-transfert.

Enjeux théoriques

Concepts. La technique du jeu a permis la cure des enfants. Elle a apporté avec elle la définition de concepts fondamentaux comme l'dipe archaïque, le Surmoi précoce, la phase d'apogée du sadisme, le fantasme des parents combinés, la position schizo-paranoïde, la position dépressive, les mécanismes de clivage du Moi et des objets, l'envie du sein, la défense maniaque comme réparation.
L'introjection des objets d'amour-haine existe dès les premiers mois de la vie. De ce fait, le conflit oedipien, prend la forme d'un conflit oral : dévorer-détruire, être dévoré et être détruit. L'angoisse est donc créée par la connexion entre la haine et la pulsion épistémophilique. Ainsi à l'âge du sevrage, les imagos peuvent être terrifiantes chez l'enfant petit, du fait des frustrations mais aussi des limites à ses capacités verbales que son développement encore incomplet lui impose. C'est là la détresse. Les premiers stades du conflit oedipien sont ainsi dominés par le sadisme. C'est à partir de cette observation que se défend l'idée kleinienne d'un complexe d'dipe précoce.
Omnipotence. L'enfant est donc en grande partie créateur de ses objets en prêtant aux objets extérieurs sa propre agressivité. C'est ainsi que les imagos, ces créations, s'établissent à l'intérieur du Moi mobilisant du même coup les premiers moyens de défense que sont la scotomisation ou négation de la vie psychique.
Clivages et identité. La description du clivage des objets en bons et mauvais objets, le rôle de la projection et de l'introjection précisent les forces en cause dans la construction de l'identité de l'enfant et son intégration. Une part de l'angoisse est la résultante de l'instinct de mort en soi, source de l'instinct agressif primaire non sexualisé.
Inhibition et symbolisation. Toute une clinique de l'inhibition et du détachement chez l'enfant éclaire l'importance de la formation du symbole dans le développement du Moi. Le sadisme attaque toutes les sources du plaisir libidinal. Le développement de l'enfant peut être ainsi dominé par la lutte entre les pulsions de vie et les pulsions de mort. Les fonctions cognitives et le processus de symbolisation visités par la psychanalyse et, particulièrement, par les recherches inspirées de la pensée de Melanie Klein vont s'éclairer et permettre, entre autre, les rééducations des dyslexies, des dysorthographies, des dyscalculies mais aussi des dyspraxies, des dysgnosies et des dysrythmies. La restriction des investissements cognitifs dans certains tableaux de psychoses à expression déficitaire ou dans des états névrotiques ou limites sont ainsi abordables. La capacité de reconnaître les troubles de la fonction symbolique et, par exemple, l'influence persistante d'un fonctionnement psychique dominé par l'équation symbolique (Hanna Segal) est un résultat que nous devons à la psychanalyse. Les formations de l'équation symbolique sont en particulier en relation avec la première relation d'objet. Le symbole n'existe qu'en l'absence de l'objet. En ce sens la symbolisation est processus de défense contre la disparition de l'objet, la dépression et la mort.
Du féminin et de l'envie. Les travaux à partir de la cure des enfants remettent en question le phallocentrisme au cur de la conception de S. Freud. S. Freud défendait en effet l'idée que l'envie du pénis jouait un rôle central dans l'évolution psychique des filles et dans la conception psychanalytique de la différence des sexes. Melanie Klein a décrit une phase féminine primaire propre au garçon comme à la fille. C'est à la période du sevrage que surgit cette phase à l'origine d'un fantasme : le pénis paternel est incorporé au sein de la mère. Ce fantasme représente l'assise archaïque d'une conception de la scène primitive. Pour Melanie Klein la haine chez la petite fille ne vient pas de l'envie du pénis mais de la rivalité avec le pénis. D. W. Winnicott a développé à son tour une conception du féminin pur.

Discussions

Une première vectorisation des travaux, venant des formulations de la psychanalyse de l'enfant, est celle d'une psychanalyse développementale, voire génétique, qui s'attache à rendre compte de la genèse de certaines affections mentales de l'enfant, de certaines issues pathologiques de son développement libidinal. L'autre vectorisation, issue d'une conception plus processuelle et structurelle du fonctionnement de l'appareil psychique, envisage au cur de l'expression fantasmatique et défensive plus ou moins archaïque, des positions plus que des stades, des processus plus que des mécanismes. La notion de noyau signifiant se situe alors dans un registre historique et an-historique. Ici, c'est l'économie pulsionnelle et les conflits qu'elle engendre qui est la base d'une psychopathologie dynamique.
Comment penser, avec le développement, l'intégration des fantasmes qui s'observent si évidemment dans le matériel des cures de l'enfant ? Peut-on devant le caractère brut des fantasmes énoncés au présent distinguer fantasmes, pulsions et imagos ? L'intégration de la vie fantasmatique au développement, la question des fantasmes originaires et celle de l'origine des fantasmes sont inséparables d'une reconstruction et d'une élaboration du passé. Si le jeu témoigne de la liberté fantasmatique et transforme l'angoisse en plaisir, du fait de la maîtrise sur la réalité qu'il permet à l'aide des projections sur le monde extérieur des dangers internes, une discussion s'ensuit sur l'interprétation à en donner. Le travail analytique dégage le fantasme de la réalité et conçoit les fantasmes comme tentatives d'intégration d'expériences antérieures dans un système relationnel nouvellement acquis.
Le rapport de S. Lebovici, au XXXIXe Congrès des psychanalystes de langue française, porte sur les modèles de la névrose infantile et de la névrose de transfert. Ce travail, L'expérience du psychanalyste chez l'enfant et chez l'adulte devant le modèle de la névrose infantile et de la névrose de transfert, a l'avantage d'éclairer d'un jour nouveau la question de la continuité ou de la discontinuité entre l'enfant et l'adulte, tant au niveau du modèle théorique qu'eu égard à la pathologie et aux troubles « réels.» Ainsi, peut-on lire sous la plume de S. Lebovici que si la position de M. Klein ne lui permet pas de s'intéresser à la névrose de l'enfant, en revanche sa conception des positions psychotiques précoces conduit à comprendre la névrose de l'enfant comme leur non-intégration, comme la persistance d'organisations archaïques en contradiction avec le fonctionnement du Moi. La névrose de l'enfant serait la preuve de l'échec de la névrose infantile qui, elle, peut être caractérisée comme névrose de développement et modèle métapsychologique. La névrose infantile est un fait de développement et à la fois un modèle pour sa compréhension. Les conflits de la névrose infantile sont ceux qui viennent se répéter dans la névrose de transfert de la cure des adultes. On voit ici que la question posée est : sachant que si, à tous âges, on peut parler de névrose de transfert, sait-on pour autant si l'enfant est en mesure d'organiser une névrose infantile ?
Un autre élément de discussion est de savoir si, la cure étant réalisable chez l'enfant, elle permet pour autant de penser que nous assisterions in situ à la « naissance de l'inconscient ». En fait pour bien des auteurs, la psychanalyse d'enfant si précoce soit-elle ne nous fait pas connaître un être plus simple mais une autre complexité. Les logiques à l'uvre chez l'enfant sont aussi sophistiquées qu'à l'âge adulte. Les différences tiennent aux opérations et aux objets. Le mirage archaïque tombe ainsi de lui-même. Les lois du fonctionnement primaire et les lois du fonctionnement secondaire coexistent et s'opposent. Le risque serait sinon de tomber en résistance à la psychanalyse devant l'obstacle épistémologique que pourrait représenter une référence à l'infantile trop en résonance avec l'analysant. La névrose infantile demeure la reconstruction de la névrose de transfert. On ne peut rabattre l'originaire sur l'origine, incarnant celle-ci dans la réalité.
Une pensée développementale a longtemps dominé la théorie psychanalytique. Ce fait risquait de nourrir malheureusement certaines conceptions reliant un biologisme naïf à un psychologisme faible. On pouvait dès lors craindre un certain appauvrissement de la psychanalyse. L'histoire ainsi s'inverserait. Là où l'on imaginait, avant la psychanalyse, l'enfant comme un adulte en miniature, mineur, on comprendrait aujourd'hui un adulte selon la norme venu d'un enfant conçu par la psychanalyse. En fait, en plus des recherches propres à la complexité de la vie psychique de l'enfant, celui-ci peut, comme chez certains auteurs ; tels W. Bion s'intéressant aux psychoses et D. Winnicott aux « borderline » représenter une chance de théorie rétrospective de la psychopathologie de l'adulte. Il reste que : « l'enfant est psychologiquement un autre objet que l'adulte. » comme l'écrit S. Freud, en 1933, dans les Nouvelles conférences d'introduction à la psychanalyse.

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